Les intoxications aux champignons
Les intoxications par les champignons sont très documentées en médecine humaine, où-elles résultent le plus souvent de confusions avec des champignons comestibles. Chez l’animal, elles sont moins bien connues, mais pas exceptionnelles, en particulier chez le chien, qui peut les consommer facilement par appétit, par jeu ou par curiosité. Les intoxications par les champignons concernent surtout les jeunes animaux de moins de 1 an.
Elles surviennent le plus souvent à l’automne, en particulier durant les mois d’octobre et de novembre, période la plus propice à la pousse des champignons, mais il est possible d’en rencontrer toute l’année.
Leur gravité dépend de la quantité ingérée et de la prise en charge médicale. Dans plus d’un cas sur deux, des signes digestifs et nerveux sont associés. Ces intoxications sont graves notamment pour les amanites phalloïdes.
Les différents syndromes qui peuvent se rencontrer suite à l’ingestion de champignons :
1/Les champignons responsables d’un syndrome résinoïdien (signes digestifs) :
a-Le paxille enroulé (Paxillus involutus) :
Paxillus involutus est un champignon assez commun. Il se développe au sol dans tous les bois de feuillus et de conifères, mais avec une préférence marquée pour les sous-bois de bouleaux et peupliers, de l’été au début de l’automne. On peut également le trouver sur les pelouses.
b-Le tricholome tigré (Tricholoma pardinum ou T. tigrinum) :
En Europe, il se trouve sur sol calcaire, souvent à proximité d’arbres comme les hêtres ou les sapins en été et en automne, de préférence en altitude.
c-Le clitocybe de l’olivier (Clitocybe olearia) :
Contrairement à ce qu’indique son nom, le clitocybe de l’olivier vit à même le sol, en touffes sur les racines ou à la base des troncs de divers feuillus, sur les souches de chênes, chêne verts, chêne-liège, châtaigniers et bien sûr l’olivier. Plutôt méridional, il abonde dès le printemps dans le maquis de l’île de Port-Cros, et jusqu’en hiver. Plus rare au nord de la Loire, sans toutefois être exceptionnel.
d-L’entolome livide (Entoloma lividum) :
L’entolome pousse du milieu de l’été à la fin de l’automne, à la lisière et dans les bois clairs de feuillus, surtout hêtres, chênes et
L’ingestion de l’un de ces champignons est dans la majorité des cas responsable de signes digestifs (vomissements, diarrhées, douleurs abdominales) qui ne sont pas accompagnés d’hyperthermie.
2/Les champignons responsables de syndrome muscarinique :
Ces sont les genres Inocybe et Clitocybe.
a-Leurs représentants les plus dangereux sont le clitocybe de l’olivier
b-L’inocybe de Patouillard (Inocybe patouillardii) :
L’Inocybe de Patouillard est une espèce commune qu’il est possible de trouver dans les forêts de feuillus, dans des bois aérés, souvent au sein des clairières ou en lisière. C’est un champignon qui apprécie les sols calcaires. Il se développe dès le mois de mai et des spécimens sont retrouvés jusqu’au milieu de l’été. Il peut pousser aussi bien en groupe qu’isolé.
L’ingestion de ces champignons est responsable de diarrhée, des vomissements et de douleurs abdominales. D’une action sur l’appareil cardiorespiratoire à l’origine de baisse de la fréquence cardiaque, d’hypotension et, plus tardivement, de difficultés respiratoires. On a aussi une diminution de la taille de la pupille, une incoordination motrice, des troubles du comportement et une incontinence urinaire.
La rémission est généralement observée en quelques heures (moins de vingt-quatre heures), même en l’absence de traitement. Les intoxications mortelles sont rares
3/Les champignons responsables de syndrome atropinique : ils appartiennent au genre Amanita.
a-Les plus fréquemment incriminés sont l’amanite tue-mouche (Amanita muscarina) :
Ce champignon cosmopolite, croît dans les forêts de conifères et de feuillus de toutes les régions tempérées et boréales de l’hémisphère Nord.
b-L’amanite panthère :
L’amanite panthère pousse de la fin de l’été à la fin de l’automne, en forêt plutôt sous feuillus.
Ils sont responsables de signes cliniques à prédominance neurologique comprenant :
– une phase d’agitation : comportement anormal avec vocalises, excitation, agressivité, convulsions, ils sont hallucinogènes ;
– suivie par une phase de dépression : parésie ou paralysie du train postérieur (chez le chien), voire coma.
Des “effets paradoxaux”, liés surtout à la présence de muscarine, peuvent parfois être observés, notamment chez le chat et chez les petits chiens : pupille retractée, hypersécrétions (larmoiement, ptyalisme, sudation des coussinets), polyurie, diarrhée.
4/Les champignons responsables du syndrome narcotinien :
a-Ils appartiennent aux genres Psilocybe (P. cubensis ou semilanceata) :
b-Panaeolus (par exemple P. papilionaceus et P. foenisecii) :
c-Strophoria :
d- Conocybe :
Les psilocybes sont fréquemment rencontrés sur les tas de fumier de vaches ou de chevaux et sur les terrains fertilisés, surtout après la pluie.
Ces champignons contiennent des substances hallucinogènes. Il semble que ces toxines exercent leur action sur le système nerveux central, effet comparable à celui du LSD.
Le tableau clinique est dominé par des signes nerveux précoces, qui apparaissent peu de temps après l’ingestion (trente minutes à une heure). Aucune mesure spécifique n’est à ajouter au traitement symptomatique classique. L’hospitalisation est conseillée si les signes cliniques sont sévères.
5/Les champignons responsables du syndrome orellanien :
Les espèces incriminées dans ce syndrome appartiennent toutes au genre des cortinaires.
a-Les plus courantes sont le cortinaire cannelle (Cortinarius cinnamoneus) :
Le Cortinaire cannelle pousse à partir de la fin de l’été et jusqu’à l’automne. Bois de feuillus (chênes, mûriers, peupliers etc.) (apprécie le bouleau) et/ou de conifères humides et souvent tourbeux.
b-Le cortinaire sanguin (C. sanguineus) :
Le cortinaire sanguin ou Cortinarius Sanguineus, remarquable par sa teinte rouge sang un peu sombre, colonise en automne les sous-bois de conifères. On la rencontre jusqu’en moyenne montagne.
d-Le cortinaire pourpre (C. phoenicus) :
Le Cortinaire pourpre est peu commun, croissant en automne, souvent en petite quantité, dans les bois de feuillus et de résineux.
Le délai entre l’ingestion et l’apparition des premiers signes cliniques est souvent long (entre deux et vingt et un jours) et dépend de la quantité ingérée. Le tableau clinique se décompose en trois phases :
-Phase d’installation : Deux à trois jours après l’ingestion du toxique, les premiers signes cliniques sont des troubles digestifs : vomissements, diarrhée, douleurs abdominales. Bénins, ils sont souvent accompagnés d’une soif intense, d’une sécheresse buccale.
-Phase de rémission : La phase de rémission dure en moyenne cinq jours (de trois à dix jours). Elle est d’autant plus courte que l’intoxication est plus grave.
-Phase d’état : Uniquement présente dans les formes graves, la phase d’état est dominée par une insuffisance rénale aiguë (IRA).
Il s’agit d’une intoxication grave, cumulative, qui peut entraîner la mort de l’animal en deux à trois semaines suite à l’insuffisance rénale aiguë. Dans les autres cas, l’évolution se fait vers une insuffisance rénale chronique (lésions irréversibles) ou, le plus souvent, vers la guérison sans séquelle en deux à trois mois. Il convient de rappeler que plus le temps de latence est court, plus le pronostic est sombre.
6/Les champignons responsables du syndrome phalloïdien :
Cette intoxication gravissime, à l’origine d’une destruction cellulaire hépatorénale, est due à l’ingestion de champignons comme certaines amanites :
a-Amanites phalloïdes :
En Europe, il est présent associé à de nombreux feuillus et, moins fréquemment, des conifères. Il apparaît communément sous des chênes, mais également sous des hêtres, des châtaigniers, des marronniers, des bouleaux, des noisetiers, des charmes, des pins et des épicéas.
b-A. virosa :
L’Amanite vireuse pousse en forêt de l’été à la fin de l’automne plutôt sous conifères, mais parfois aussi sous feuillus (bouleaux).
c-A. verna (ou amanite printanière):
Ce champignon pousse dans les forêts européennes et les forêts de feuillus au printemps.
d-A. bisporigera :
Comme la plupart des autres espèces d’Amanita, A. bisporigera forme avec les arbres des relations mutuellement bénéfiques où les hyphes du champignon poussent autour des racines des arbres, permettant au champignon de recevoir l’humidité, la protection et les sous-produits nutritifs de l’arbre, et donnant à l’arbre un meilleur accès aux nutriments du sol. Ils poussent soit seul, soit dispersés, soit en groupes dans les forêts mixtes de conifères et de feuillus.
d-A. ocreata :
Apparaissant de Janvier à Avril, A. ocreata se trouve dans les forêts mixtes et en association avec le chêne aussi bien que le noisetier.
e-Galérines (Galerina marginata) :
Galerina marginata est très répandu dans l’hémisphère nord, y compris en Europe, Amérique du Nord et en Asie et a également été trouvé en Australie. Il s’agit d’un champignon poussant principalement sur les bois de conifères en décomposition.
f-Lépiotes (Lepiota brunneoincarnata) :
Cette Lépiote brunâtre affectionne tout particulièrement les jardins, les pelouses, les bords des talus humides et herbeux, où elle pousse en petites troupes.
Ces espèces produisent principalement des toxines suivantes : les phallotoxines (phalloïdine, phalloïne, phallacine, etc.) et les amanitines (alpha, bêta-amanitines, amanulline, amanine, etc.). La dose létale 100 par voie orale d’amanite phalloïde séchée chez le chien est de 250 mg/kg. Les observations cliniques ont montré qu’un seul morceau d’amanite est suffisant pour tuer un chiot et que 40 g d’amanite phalloïde tuent un chien de 10 à 15 kg, alors que 10 g seulement provoquent la mort d’un chat. Les autres espèces de ce groupe sont moins toxiques que l’amanite phalloïde.
Après un long temps de latence (six à dix-huit heures en moyenne), l’intoxication se déroule en trois phases :
- En premier lieu, une phase gastrointestinale intense, qui peut durer plusieurs jours, se traduit par un abattement, des vomissements, une diarrhée et une déshydratation marquée Des troubles nerveux (convulsions, coma) peuvent être les seuls signes observés dans les cas graves.
- Après une phase asymptomatique de dix à quarante-huit heures, l’intoxication se manifeste de nouveau par une phase de lésions viscérales :
- Une atteinte hépatique prédominante : hépatomégalie (foie ferme et douloureux à la palpation), syndrome hémorragique consécutif aux troubles de l’hémostase, ictère, encéphalose hépatique (à l’origine de troubles nerveux) ;
- Une atteinte rénale, plus tardive : dans de nombreux cas, l’insuffisance rénale n’a pas le temps de s’installer avant la mort de l’animal ;
- Une atteinte myocardique, plus rare.
L’évolution de l’intoxication dépend essentiellement de la précocité et de la pertinence du traitement. L’atteinte hépatique conduit en général à la mort de l’animal en deux à quatre jours, voire en quelques heures en cas de choc. Le taux de mortalité est de 10 à 25 %, même après un traitement adapté.
7 /Les champignons responsables de syndrome gyromitrien :
Ce type d’intoxication est provoqué par l’ingestion de champignons appartenant à la famille des Helvellacées.
Seules six espèces sont présentes en France :
a-Le gyromitre délicieux (Gyromitra esculenta) :
Gyromitra esculenta pousse sur un sol sablonneux dans la forêt de conifères tempérés et occasionnellement dans les forêts à feuilles caduques. Chez les conifères, on le trouve surtout sous les pins (Pinus spp.), mais aussi parfois sous le tremble(Populus spp.).
b-Helvella esculenta : esculenta signifie paradoxalement comestible ou fausse morille (en raison de son aspect) :
La Fausse morille apprécie les sous-bois de conifères, plutôt en zone de montagne. Bords de chemins, lisières, riches en débris organiques l’accueillent également. Les sols sont souvent sableux, acides. Cette printanière peut pousser sur des souches mortes, se nourrissant alors de matières organiques. Elle développe également une symbiose, association à bénéfices réciproques, avec les végétaux, généralement les conifères, environnants.
c-Le gyromitre géant (G. gigas) :
Il pousse sur souches et sous conifères en montagne.
Elle pousse sur le sol, aussi bien dans les bois de feuillus clairs et humides (plus rarement dans les résineux) le long des sentiers, que dans l’herbe, les haies et les talus des prairies. On la trouve de la fin de l’été jusqu’à la fin de l’automne.
e-La mitre d’évêque (H. lacunosa) :
Helvella lacunosa, isolée ou en troupe, du mois de mai au mois de novembre (décembre), sous couvert de feuillus, conifères, clairières ou pelouses, chemins, bords de routes, tas de bois, composts, mais toujours en périodes bien arrosées.
Ces champignons produisent des toxines dont le représentant principal est la gyromitrine,.
La gravité de l’intoxication est très variable, allant de la gastro-entérite banale à la mort de l’animal. Après un temps de latence de cinq à douze heures, des signes gastro-intestinaux apparaissent : vomissements, diarrhée, douleurs abdominales. Dans la plupart des cas, l’intoxication se limite à ces signes cliniques, qui durent entre un et trois jours. Dans les cas les plus sérieux, d’autres troubles sont ensuite observés :
- signes nerveux : agitation, abattement, voire coma ;
- hépatite
- hyperthermie, caractéristique de ce type d’intoxication.
L’évolution est généralement favorable en quelques jours. Les cas mortels (10 % environ) sont observés le plus souvent entre le 5e et le 7e jour d’évolution et sont consécutifs à la nécrose hépatique.
Conclusion : Les intoxications par les champignons vénéneux peuvent entraîner des tableaux cliniques très variés. À partir d’une simple gastro-entérite, le tableau clinique peut évoluer vers une insuffisance organique grave, le plus souvent irréversible. Il convient donc de reconnaître au plus vite les signes cliniques caractéristiques des champignons les plus dangereux, afin de mettre en place dès que possible le traitement adapté.
Si vous suspectez votre animal d’avoir ingéré un champignon toxique :
- Présentez-le d’urgence chez le vétérinaire. Grâce à une injection réalisée dans les 2 à 4 heures qui suit l’ingestion, le champignon suspect sera vomi par l’animal et tout risque sera écarté.
- Pensez dans tous les cas à prélever un échantillon du champignon ingéré afin que le vétérinaire puisse administrer le cas échéant le traitement antidotique.
Si l’animal présente déjà des signes d’intoxication, le traitement doit être entrepris dans les plus brefs délais. En attendant l’intervention du vétérinaire, vous pouvez administrer 1 à 2 g/kg de CHARBON ACTIF (Carbodote spécialité adaptée aux animaux).